El país del confin del mundo
Un voyage long à digérer. Je l'ai tu pendant longtemps, à la fois traumatisée, blessée, honteuse de la façon, pourtant prévisible, dont il s'est achevé.
Cela fait maintenant 7 ans. J'ai pris le temps de ruminer, regretter, m'énerver, refouler, dans le désordre. Maintenant je peux en parler sans ternir le récit par ma rancoeur.
Février-mars 2009. Point de chute, Valparaiso, dans une famille chilienne assez démunie, vivant sur les hauteurs de cette ville-araignée, centrée sur une baie époustouflante et grignotant les collines alentour, cocon naturel peu à peu colonisé dans l'anarchie et la bonne humeur teintée de solennité des chiliens.
Ceux qui ont lu mes écrits sur San Francisco ont compris que les paysages de baies, c'est mon dada. Celle de Valparaiso n'est pas une exception. Elle est pourtant bien différente de celle de San Francisco. Plus ouverte, donnant directement sur le grand Pacifique, et moins superbe, moins majestueuse, mais tellement plus quotidienne, vivante, puissante. Comme une machine légendaire, qui inspire un respect grave et parfois effrayé, comme cette sensation que, si l'on n'y prend pas garde, elle peut nous aspirer dans son cycle imparable.
C'est pourquoi la rencontre avec Valparaiso est compliquée. Il faut apprendre à la connaître, à la comprendre, elle ne nous facilite pas la tâche. Une ville construite semble-t-il sans cohérence à l'européenne, encore moins à l'américaine, des hauteurs qui nous attirent en permance (oh, le mirador, oh, le funiculaire), avec, d'un côté, des constructions brinquebalantes qui masquent les collines et de l'autre, l'océan, gigantesque et muet.
Il faut l'observer, pour l'aimer. Après quelques jours sur place, après avoir vaillamment arpenté ses rues dénivelées et utilisé ses funiculaires encore en service, j'ai trouvé "mon" spot. Ma Valparaiso. Mon mirador sur la baie. Etonnamment, contrairement à Pablo Neruda dont la maison à 5 niveaux doit objectivement avoir la plus jolie vue sur la verdure et la mer de Valparaiso, mon spot à moi surplombe le port de commerce, avec ses grues au mouvement incessant et le ballet des containers en provenance de partout, et à destination de partout. Une vue mouvante, mais calme, les sons du brouhaha couverts par l'éloignement. Un lieu parfait pour penser, oublier, rêver.
Et puis bien sûr, au Chili, il a aussi le désert d'Atacama, la vallée d'Ovalle, et les chiliens si incroyables. J'ai rapidement fait le parallèle entre Valparaiso et Lorient, deux villes portuaires, plutôt rudes au premier contact, mais qu'on apprend facilement à aimer. Le même parallèle peut être fait entre les chiliens et les bretons : un peuple fier, solennel, mais chaud comme du beurre fondu à l'intérieur !